Mai 2005....
Mairie de Linas pour un permis de construire.
J'arrive dans le bureau de l'urbanisme : ici, on dirait que le temps s'est arrété, que le mur de Berlin n'est jamais tombé..
Moquette éculée, trouée par l'usure, les plafonniers- néons-verts auxquels il manque les diffuseurs.
Des carrés d'isolation en polystyrène (est-ce encore aux normes?) collés aux murs depuis 50 ans d'aventures municipales au moins. Plafond crevé par endroits d'ou s'échappent des coulures rougeâtres laissées par une fuite d'eau, des câbles électriques qui pendouillent.....
Et puis la mauvaise étanchéité des fenêtres avec ses grosses cloques sous les dormants.
J'en fais la remarque à ces trois jeunes femmes qui travaillent dans ce réduit de 12 m2 où s'empilent les dossiers. Chose bizarre, sous la lumière glauque des néons, mes trois interlocutrices ont des têtes de grenouilles.
- Ah monsieur, me dit narquoisement celle qui doit être la chef, l’argent que la Mairie ne peut pas dépenser ici, il doit forcément être économisé à des choses plus importantes qu'à être gaspillé pour nos petits bureaux.
- Et encore ! reprend une autre, nos bureaux, c'est le top à côté des autres, faut voir ceux du premier étage.
Je leur réponds que l'argent qui est économisé sur leur confort de travail est gaspillé sans doute sur d'autres postes moins prioritaires.
Eh oui les priorités ! Quand on est fauché, me dit la troisième en se hissant sur la pointe des pieds pour aller chercher une feuille imprimée sur une étagère - à 1, 50m du sol - là où se trouve l'imprimante… Eh oui ! Les priorités, y faut savoir ce qu'on veut.
A l’accueil, même son de cloche.
L’hôtesse est la plus ancienne certainement des employées de Mairie. Entrée en 1987, elle doit prendre sa retraite dans 2 mois.
Je lui dis que les bureaux de la Mairie sont à l’image des trottoirs de la ville, dég...........
- M’en parlez pas, répond-elle, quand on n'a pas d’argent il faut choisir ses priorités et puis, c’est pas facile…je voudrais pas être le prochain Maire, quand on n'a pas d’argent il faut choisir ses priorités…tenez ! Fait-elle d’un grand geste large au dessus de son bureau :- Je vais partir dans deux mois sans jamais avoir eu le plaisir de travailler sur un vrai et grand bureau.
-Faut choisir ses priorités quand la "bourse" est comme ça : et là, elle ferme ses deux mains, en coquille, l’une sur l’autre .
Janvier 2008...
La mairie est toujours dans un état de délabrement. Deux des employées du service de l’urbanisme
dont la chef ne sont plus là. L'hôtesse d'accueil a pris sa retraite. Les anciens bureaux du rez-de-chaussée ont été cassés. L'accueil actuel se confond avec une structure de bureau paysager ou ni les employés ni les visiteurs ne sont plus protégés de l'agitation: plus de sphère de confidentialité, de recul, de calme essentiel, de point de rencontre. Pas de banquette non plus, seulement des regards ou se lit de plus en plus une envie de passer à l'Ouest.
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