L’essentiel de ce qu’il faut savoir pour ne pas se faire avoir.
Définition
L’enquête publique est une procédure préalable à des décisions ou des réalisations d’opérations. Ses objectifs sont :
- d’informer le public
- de recueillir ses appréciations, suggestions et contre-propositions
- de permettre à l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son information avant la prise de décision Elle est conduite par un Commissaire Enquêteur (CE).
Typologie des enquêtes publiques
Il existe un grand nombre d’enquêtes différentes, que l’on peut classer en deux grandes catégories :
- les enquêtes qui relèvent du « code de l’environnement », dites « enquêtes de type Bouchardeau » du nom de son auteur, ministre de l’environnement en 1985. Ces enquêtes s’intéressent aux opérations susceptibles d’affecter l’environnement. Le CE est le plus souvent nommé par le président du tribunal administratif
- les enquêtes de droit commun : enquête concernant la loi sur l’eau, enquête en vue d’expropriation, enquête pour un plan de protection de risque naturel…Le CE est nommé par le Préfet
Quelle que soit l’enquête, chaque citoyen devrait pouvoir s’y intéresser, car toute enquête est à l’origine d’un projet qui va changer ses conditions de vie, et engager l’avenir.
Elle peut avoir une portée locale comme la création d’une zone artisanale, régionale avec l’élargissement d’une route, nationale voire internationale avec comme exemple la mise au « grand gabarit » d’une rivière ou encore l’installation d’une centrale nucléaire. On peut aussi mener une enquête pour : la suppression d’un chemin, l’ouverture d’une nouvelle rue, l’installation d’une activité industrielle ou artisanale avec risque de pollution, les rejets terrestres ou atmosphériques, le déboisement et abattage d’arbres, la modification du Plan d’occupation des sols (POS) appelé aujourd’hui Plan local d’urbanisme (PLU), la création de nouveaux lotissements, et aussi l’enquête préalable à la Déclaration d’utilité publique, qui permet les expropriations.
Déroulement d’une enquête publique
- préparation du projet par les autorités compétentes (le Maire, le Préfet, avec les services concernés, l’aménagement du territoire, la Direction départementale de l’équipement, etc.)
- décision d’ouverture d’enquête avec arrêté préfectoral. Nomination du commissaire enquêteur pris dans une liste départementale d’aptitude à la fonction
- publicité : l’annonce légale est faîte dans la presse locale, un mois avant l’ouverture de l’enquête avec affichage en mairie et en préfecture
- outre les références de l’autorité signataire, l’annonce légale comporte : l’objet de l’enquête, la date d’ouverture et de fermeture, les dates, heures et lieux de consultation du dossier, le nom du CE et ses dates de réception du public, les conditions particulières permettant l’expression des différents avis et les possibilités de consulter le rapport du CE
- intervention du public et le déroulement de l’enquête durent un mois
- rapport du CE est donné dans le mois qui suit la fermeture de l’enquête. La décision est prise à partir de ses « conclusions motivées »
- réalisation ou non du projet
Le Commissaire enquêteur
Il est choisi sur une liste d’aptitude départementale, établie chaque année par une commission, qui est par ailleurs compétente pour évaluer le travail fourni par les CE l’année écoulée.
Le CE doit avoir des aptitudes assez larges, à la fois techniques, juridiques, mais il doit aussi être capable de recevoir, d’écouter et d’entendre le public, de conduire une réunion, de rédiger un document de synthèse parfois important où son « avis motivé » va être déterminant, directement, complètement, pour la décision. L’administration demande surtout à ses CE de faire en sorte que l’enquête ne débouche en aucune façon sur un recours au Tribunal administratif. La liste actuelle comprend des ingénieurs, des architectes, des commissaires de police, des enseignants, des agriculteurs, des fonctionnaires territoriaux… tous plus ou moins à la retraite, car une certaine disponibilité est indispensable. Notons que le CE est payé en fonction de l’importance de son rapport.
Le public et les associations locales
Leur rôle est important, ils vont être amenés à exprimer leurs points de vue sur le projet
- oralement, au cours de rencontres avec le commissaire enquêteur
- par écrit, sur le registre d’enquête
Est-il utile de rappeler ici les enjeux généraux de toute enquête : s’informer et participer aux décisions concernant la protection de l’environnement, s’exprimer, est un devoir de citoyen, indispensable dans l’exercice de la démocratie. Tous les moyens sont utiles pour faire évoluer le projet, que l’on soit d’accord ou non. Ainsi, on peut se regrouper en association de défense, faire des pétitions et tracts d’information ou encore organiser des réunions.
Les conseils à l’ouverture de l’enquête
Il faut consulter le dossier en exigeant des conditions matérielles convenables, ce qui n’est pas toujours le cas : un local calme, des sièges pour s’asseoir, une table pour étaler les documents ainsi que de disposer du temps nécessaire à la consultation (l’Administration doit normalement fournir plusieurs exemplaires du dossier)
- il faut exprimer sans délai les remarques dans le registre d’enquête. En effet, les personnes suivantes ne vont pas manquer de lire ce qui a déjà été écrit et vont réagir, peut-être en renforçant votre idée, en tout cas, le débat est lancé !
- si des éléments semblent obscurs, il ne faut pas hésiter à posez des questions, par écrit sur le registre, directement au CE lors d’une rencontre ou par courrier qui lui sera remis et qui sera annexé au registre. Le commissaire enquêteur a l’obligation de répondre sur les champs aux questions qui lui sont posées, il n’a pas le droit de différer sa réponse à son rapport écrit, car il n’est pas là pour répercuter les réponses du maire ou de l’autorité à l’origine de l’enquête. Il doit donner son point de vue.
- on peut aussi fournir des documents contradictoires et des contre-propositions qui seront inclus dans le registre.
- à la fin de l’enquête, on peut remettre au CE ou lui envoyer par courrier un document de synthèse des remarques recueillies, ainsi que les éventuelles pétitions. Il a obligation d’insérer ces pièces au dossier.
Le rapport du commissaire enquêteur
Rendu obligatoirement dans le mois qui suit la clôture de l’enquête, le rapport est déterminant dans la prise de décision de l’autorité. Il est rendu public et consultable en préfecture et en mairie. Nous avons des exemples de CE qui ont, par leur « conclusion motivée » défavorable, fait échouer des projets de grande ampleur qui paraissaient acquis (collège de Beauchamp, ZA d’Ecouen). L’exemple plus récent de la ZAC de Mériel, nous montre au contraire que le CE a provoqué des recours et des jugements. Le commissaire enquêteur n’avait pas éclairci des zones d’ombre importantes dans le dossier. Le projet était notamment en contradiction avec les prescriptions du Schéma directeur régional d’Ile de France (SDRIF). Il n’avait pas non plus entendu le public et les associations . De plus, le commissaire enquêteur n’avait pas répercuté tous les éléments recueillis et ses conclusions motivées, qui étaient très insuffisantes. Tous ces manquements relevés par le public et les associations ont conduit le tribunal administratif à annuler un arrêté préfectoral de déclaration d’utilité publique (DUP)
En résumé
Proposition de réflexion sur un texte signé par Monsieur J. THOMAS, rédacteur de la loi Bouchardeau en 1985 et Président du tribunal administratif de Cergy en 2004 : « L’important est que le commissaire enquêteur soit capable de comprendre tous les enjeux du projet soumis à l’enquête : enjeux techniques, socio-économiques, politiques, environnementaux et sociaux ; qu’il soit capable de comprendre les différents points de vue qui peuvent s’exprimer autour de ces enjeux et qu’il sache, le cas échéant, en prenant les initiatives nécessaires, clarifier le débat entre ces différents points de vue et exprimer son avis en toute clarté et en toute indépendance. »
Conclusion
L’enquête publique est un moment important de la démocratie, où chaque citoyen a le pouvoir et le devoir de s’exprimer. Il est anormal que certaines enquêtes se déroulent sans que personne ne se dérange, ne serait-ce que pour s’informer des décisions prise dans son village, dans sa ville, dans son secteur. Ne pas s’exprimer, c’est laisser les décideurs, tout légitimes qu’ils soient, agir à leur guise. Ne peut-on alors s’interroger : pourquoi une telle désaffection de la « chose publique » ?
Ce document est une synthèse de divers écrits et textes législatifs, provenant essentiellement du « Guide du commissaire enquêteur » élaboré par la Compagnie Nationale des Commissaires Enquêteurs. Les références sont issues de l’expérience personnelle de Monique et Michel Maurice. Ce document simple et accessible doit être considéré comme un outil de travail et d’information.
*Michel Maurice est membre titulaire de la commission départementale de nomination des commissaires enquêteurs.
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